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L’ « American Dream », au péril de leur vie

Lorsque le thème « Partir-Venir : Voyage, Mobilité, Migration » nous a été présenté, le sujet sur les migrations entre le Mexique et les Etats-Unis nous a tout de suite semblé évident. Le 15 Juin 2012, durant sa campagne présidentielle, Barack Obama a pris un décret facilitant la régularisation d’une partie des sans-papiers vivants sur le sol américain. Parmi eux, on compte beaucoup d’hispaniques venus d’Amérique du Sud ou Latine. Quand on sait que la population hispanique ne représentait pas moins de 41% de l’électorat du Nouveau Mexique en 2008, ainsi que 15% dans le Nevada ou encore 13% dans le Colorado, on comprend l’influence non négligeable qu’ont les voix des latinos dans les Etats clé et ce décret pourrait effectivement avoir assuré la réélection d’Obama en novembre 2012 obtenant ainsi un deuxième mandat. La situation des sans-papiers aux Etats-Unis est donc un sujet d’actualité qui provoque des débats houleux entre les défenseurs de l’immigration et les prôneurs de l’anti-immigration. C’est dans ce contexte que différents auteurs ont détaillé, de près ou de loin, le calvaire des Mexicains lors de la traversée de la frontière la plus contrôlée au monde. Ainsi, l’AFP, Corine Lesne, Tara Barhampour, Tony Barry, Malie Montagutelli, Andrew Rice, Wihtol de Wenden Catherine, Frias Roxanne, Bowden Charles, qu’ils soient journalistes, politiciens ou encore professeurs en Université, ces auteurs nous apporterons des réponses à nos questions, dont la principale est « l’immigration Mexique-Etats-Unis : derrière le mur la désillusion ? ». Il nous faudra tout d’abord comprendre ce qu’est un migrant, puis comment les Etats-Unis ont réagi suite à une immigration massive des Mexicains et enfin les raisons pour lesquelles ces derniers sont prêts à risquer leur vie  pour accéder à l’ « American Dream ».

 

Envie de voir ailleurs, ou simplement envie de rêver à une vie meilleure

 

 

 

 

La planète Terre est aujourd’hui peuplée de plus de six milliards d’habitants. Sur ces six milliards, seulement 150 millions de migrants sont  inscrits dans un processus migratoire déclare Catherine Wihtol de Wenden dans l’article du site Ceras,  Motivations et attentes des migrants.

Partout dans le monde, certaines personnes sont subjuguées par l’envie de bouger, obnubilées par l’immigration clandestine, alors que d’autres quittent leur pays afin d’espérer une vie meilleure : pouvoir accéder plus facilement aux biens de consommation, trouver du travail. Ces envies de déracinement sont entretenues par les médias, séries de télévision et autres films occidentaux.

L’installation d’antennes paraboliques dans les années 80  qui permettent aux populations des pays en voie de développement de pouvoir contempler la richesse, le confort, est d’ailleurs un exemple flagrant. La Chine a instauré la politique de l’enfant unique, alors les femmes voulant assouvir leur instinct maternel décident de quitter leur pays pour rejoindre les pays occidentaux. De plus, les frontières sont synonymes de vie meilleure, d’espoir, même si le fait de les franchir peut s’avérer difficile. « Entre l’Europe et le Maghreb 3 286 morts » ont été dénombrés à Gibraltar entre 1997 et fin 2001 précise Catherine Wihtol de Wenden. Les réseaux migratoires font office de business, notamment pour les passeurs, à cause des systèmes de contrôles des frontières très sophistiqués. Les personnes les plus concernées par l’immigration ou la migration sont souvent de jeunes diplômés qui rêvent de liberté, de modernité et de la vie professionnelle qui devrait leur être destinée, mais aussi des femmes seules, scolarisées, ou qui, n’étant pas jugées comme elles devraient l’être, quittent leur entreprise. Parfois ce sont même des enfants qui sont récupérés aux frontières. Certains sont mêlés à des affaires douteuses et d’autres ont été placé chez des familles. Certains groupes, qui forment des élites, souvent des personnes riches vivant dans un mode de vie de mobilité, un jour ils sont dans un pays et un mois après ils partent pour aller ailleurs, découvrir de nouvelles contrées.

Les populations pauvres sont elles aussi incluses dans une catégorie de migrants. Ces migrants-là quittent leur terre d’origine en quête d’une vie meilleure car dans leur pays la misère fait partie du quotidien, car la guerre fait rage ou parce qu’il y a de grosses tentions au niveau politique.

Ainsi, durant les 30 dernières années du XXème siècle, le nombre d’immigrés Mexicains allant aux Etats Unis a fortement augmenté. En effet un recensement de 2000, annonçait que « les Hispaniques représentaient 12,5 % de la population totale des Etats-Unis, soit 35 305 906 habitants (…). Ce même recensement en dénombrait 20,6 millions, soit 58,5 % du groupe “hispanique” » déclare Malie Montagutelli. Cependant la réaction des Etats Unis ne se fit pas attendre, car cette exode ne pouvait pas durer éternellement et risquait de créer des déficiences économiques aux Etats-Unis.

 

Une réaction plutôt radicale pour les Américains

 

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USA flag par Foto Havlin

 Tout d’abord, la réaction du gouvernement américain

Suite à ce flux massif, majoritairement illégal, des Mexicains vers les Etats-Unis, est promulgué, en 1986, l’IRCA (Immigration Reform and Control Act). Cette loi a été votée pour contrôler l’immigration illégale, elle prévoyait de sanctionner tout employeur d’immigrés en situation irrégulière, relate Malie Montagutelli. Elle régularise la situation des sans-papiers ayant travaillé sur le sol américain de mai 1985 à mai 1986. Mais, cette réforme n’a pas connu une grande réussite. Les employeurs hors la loi ne sont pas poursuivis avec un grand acharnement et les travailleurs illégaux ne pouvaient pas prouver depuis combien de temps ils vivaient aux États-Unis.

 

La lutte contre l’immigration illégale et la lutte contre les narcotrafiquants au Mexique ont fait augmenter de manière importante les moyens de surveillance à la frontière depuis les années 1990. Corine Lesnes dans l’article, M. Bush veut déployer 6000 soldats à la frontière du Mexique, explique qu’en mai 2006 le président des Etats Unis (M. Bush), aurait annoncé un déploiement des forces militaires, le long de la frontière Mexique-USA. Cependant, ces paroles auraient été reformulées de façon à permettre une meilleure compréhension par le Mexique. En effet le Mexique et les Etats Unis s’étaient entendus sur le fait qu’ils ne remilitariseraient pas leur frontière. M. Bush a donc précisé que cette action servirait à soutenir, les autorités frontalières, qu’il n’y aurait donc pas d’arrestations ou d’emprisonnements. Quelques mois après cette annonce le président des Etats Unis annonçait, le 4 octobre 2006, une nouvelle « loi finançant la construction de plusieurs centaines de kilomètres de barrière sur la frontière Mexicaine », cette « barrière » n’est pas au goût des Mexicains, mais permettrait d’arrêter l’immigration selon l’article de l’AFP Les Etats Unis consacrent 1,2 milliard de dollars à une barrière de séparation avec le Mexique. Les chiffres que fournit l’AFP sont impressionnants, «  33,8 milliards  de dollars pour des programmes de sécurité intérieurs »  dont 1,2 milliard contribueront à renforcer la frontière. L’AFP annonce dans l’article Le Congrès vote l’édification d’un mur à la frontière mexicaine que le 31 décembre 2008 la construction du mur fut lancé. Il fait 1200 km, c’est l’un des plus grands murs qui fut jamais construit.

Le mur n’était pas la seule surprise pour les Mexicains, en effet, afin de dissuader les futurs clandestins, les USA ont construit plusieurs centaines de prisons, ils ne se contentent plus seulement de les renvoyer dans leur pays après leur jugement, ils sont désormais automatiquement incarcérés sur le sol américain, comme le relate Tom Barry, dans son article Le business de la «  crimmigration ».

Ensuite celle de la population américaine

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San Francisco par Kaptain Krispy Kreme

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L’Etat ne fut pas le seul à réagir, bien avant que ces projets soient lancés les immigrés et migrants mexicains n’étaient pas perçus de la même façon par les Américain du Nord. En effet, Malie Montagutelli montre que, déjà lors de l’époque de la ruée vers l’or, des tensions étaient présentes. Les Américains accusaient les Mexicains de leur voler leur or, qu’ils n’avaient rien à faire dans leur pays. D’après l’article de J.W. Delano et C. Bowden les Américains dénoncent le fait que les Mexicains, en immigrants aux Etats Unis, leur prennent leur travail. Ces plaintes sont basées sur la xénophobie, les nouvelles générations de migrants ou immigrés se sentent rejetées et rencontrent un gros problème de socialisation. Les relations entre cultures sont hétérogènes, la population Mexicaine n’est donc pas intégrée. Dans ce cas, pourquoi les Mexicains cherchent-ils tellement à passer la frontière qui les sépare des Etats Unis, en sachant qu’ils ne seront pas forcément bien accueillis ?

 

 

Des risques ?! Quels risques ?

 

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 Lien de l’image

Drapeau du Mexique

Un pays en développement

14ème puissance économique au monde, le Mexique est un pays du Sud aux forts potentiels de développement. Peuplé par plus de 113 millions d’habitants, le pays met tout en œuvre pour valoriser sa production, mais les emplois qu’elle génère ne sont pas suffisants pour répondre aux réalités du marché du travail. En 2008, le Produit National Brut par habitant du Mexique était de 8 800 dollars soit ¼ du PNB par habitant de la France et 1/5 de celui des Etats-Unis. Sur le marché mondial, face aux grandes puissances, le Mexique ne fait pas le poids. (Chiffres tirés du site www.tresor.economie.gouv.fr).

 

http://atlas.challenges.fr

 

Données tirées du site http://atlas.challenges.fr, site appartenant au journal Le Nouvel Observateur, graphique réalisé par Mylène Heck et Elodie Lengrand.

La richesse du Mexique par rapport à celle de la première puissance mondial et celle de la France ne laisse aucun doute quant à sa place sur le marché mondial.

 

 

 

La société mexicaine, est marquée par de très fortes inégalités, de gros contrastes des niveaux de vie. Pourtant à en croire les chiffres, le PIB par habitant du Mexique est plutôt correct, 10 153 dollars en 2011, mais ils cachent la réalité. Parmi les revenus globaux, seulement 5% sont perçus par les plus pauvres (d’après www.tresor.economie.gouv.fr). Cette situation économique et sociale explique en partie les raisons du fort taux d’immigration de la population mexicaine vers les Etats-Unis.

 

 Pauvreté, désespoir, départ..

 

La pauvreté est le premier facteur qui pousse les Mexicains à abandonner leur vie, leur famille, leur maison, en espérant trouver une vie meilleure. Ils seraient un demi-million à traverser illégalement le mur chaque année, selon les chiffres officiels. Mais en réalité ils sont peut-être le double voir le triple, personne ne sait vraiment, comme nous le font comprendre J.W.Delano et Charles Bowden dans leur article passionnant sur le dur voyage des immigrés Mexicain traversant le mur, intitulé  Le sale voyage. Les emplois sont mal rémunérés ou il n’y a tout simplement pas de travail pour tout le monde. « Les mêmes mots reviennent en boucle : « Il n’y a pas de travail au Mexique. Savez-vous ou est l’Oregon ? Où se trouve le Tennessee ? » », nous relatent-ils.

 

 

 

Quoi qu’il en soit, le principal but pour ces immigrés est de traverser la frontière pour accéder à ce qu’ils croient être un pays de rêve, où l’argent fait partie du quotidien, où le travail est facile à trouver etc. De l’autre côté ils gagneront de l’argent et pourront ainsi en envoyer une partie à leur famille restée au pays, affirment les auteurs de l’article.

 

 

 1942 vs 2000 : les USA retournent leur veste

Il est important de ne pas oublier qu’en 1942, il y a 70 ans à peine, les Etats-Unis, qui manquaient cruellement de main d’œuvre,  ont passé un accord avec le Mexique pour faire venir des hommes sur le sol Américain. Ainsi Malie Montagutelli nous parle du « Bracero program » qui a permis au milieu agricole essentiellement de pallier le manque de main d’œuvre. Ce programme à fonctionné jusqu’en 1964, l’immigration clandestine était déjà nettement observable mais dans des proportions beaucoup moins importantes qu’à l’heure actuelle. Ce phénomène s’est nettement accentué, nous en sommes aujourd’hui à plusieurs millions de clandestins qui tentent de gagner l’Eldorado américain en prenant des risques inconsidérés, allant jusqu’à mettre leur propre vie en danger.

 

La frontière de tous les dangers  

 http://www.dailymotion.com/video/xcvszz_reportage-usa-mexique-3-3-fin_webcam?search_algo=2#.UNg59OTFDAs

Vidéo expliquant comment les gardes frontière agissent ainsi que les risques que les Mexicains prennent pour traverser la  frontière

Roxanne Frias

http://www.dailymotion.com/video/xcvszz_reportage-usa-mexique-3-3-fin_webcam?search_algo=2#.UNg59OTFDAs

Les passeurs sont de simples employés, qui obéissent à leur chef appelé le « coyote ». Ils ne demandent pas moins de 2 000 euros pour franchir la frontière. Ces « trafiquants d’êtres humains » comme les surnomment nos deux journalistes, entrainent des groupes d’environ 40 clandestins par-delà le désert, les montagnes ou en gagnant la rive américain du Rio Grande. La soif, la chaleur, la nuit, les épines qui leurs lacèrent les pieds, le voyage est difficile. Les femmes ne pourront échapper au triste sort qui les attend, être violées durant le voyage par les passeurs. Selon les chiffres officiels, 500 personnes mourraient chaque année en tentant cette traversée, mais combien sont morts au beau milieu du désert sans que personne ne le sache ?

Autour de la frontière, des trafiquants installent leurs petites affaires de « deal ».

Ce phénomène récent s’intensifie et rend la vie pénible et même dangereuse pour les habitants des villes Mexicaines proches de la « linéa ». Andrew Rice relate dans son reportage sur la ville frontière de Ciudad Juarez, l’enfer qui y règne. En effet, le journaliste a côtoyé pendant plusieurs mois les habitants de la petite ville et la population ne se sent plus du tout en sécurité depuis 2011. C’est vraiment à partir de cette année que la guerre entre les  gangs et les cartels de drogue a commencé. Il dit ainsi : « Depuis ses débuts, en 2008, le conflit a fait près de 40 000 victimes au Mexique (…) il y a eu plus de 3 000 homicides à Ciudad Juárez [en 2011]. ». Selon lui l’immigration mexicaine aurait baissée de 80% depuis le début du 21ème siècle, principalement grâce au renforcement de la surveillance.

Mais nous l’avons vu précédemment, les immigrés mexicains qui parviennent à leur but ne trouvent pas ce qu’ils attendaient aux USA, ce qui pourrait expliquer cette baisse d’engouement.


L’immigration Mexique États-Unis, est devenue un sujet sensible depuis les années 1990. La dégradation de l’économie américaine, une population mexicaine démunie en quête de solutions pour sortir de la misère, dont une partie plus sensible sera entraînée dans des affaires de drogues ou manipulée par des passeurs trop gourmands, sont autant d’éléments qui entrainent les USA à prendre des mesures pour réguler l’important flux migratoire en provenance des pays d’Amérique Latine et en particulier du Mexique. En tentant de traverser la « linéa » beaucoup se font arrêter par les gardes-frontière qui patrouillent jour et nuit le long des 1 200 km de mur et des 2 000 km du cours du Rio Grande. Depuis quelques temps le gouvernement américain a consolidé la loi et les immigrés illégaux sont désormais emprisonnés dans les établissements pénitenciers aux USA. En effet les américains n’acceptent pas le fait que les Mexicains entrent dans leur pays illégalement ou même légalement, et leur subtilisent les emplois, qui actuellement se font de plus en plus rares. Etant dans une phase économique de dépression, les entreprises américaines ne recrutent plus, le chômage s’intensifie. Les Mexicains ayant réussi à traverser, se retrouvent devant un marché de l’emploi peu garni avec des offres qui requièrent de hautes qualifications, alors qu’ils ne sont pas ou peu qualifiés. Ces phénomènes produisent des tensions entre les deux populations, ce qui rend difficile l’intégration des Mexicains. Si les USA étaient pour eux un Eldorado, lorsqu’ils pensent avoir déjoué les innombrables vicissitudes de ce périlleux voyage et outrepassé le mur, ils se retrouvent alors devant un obstacle quasi infranchissable, celui de la xénophobie ; la désillusion les envahie. La faute à la fatalité à en croire Oscar Wilde : « Tout chemin aboutit au même point : la désillusion. ».

Mylène Heck, Elodie Lengrand

 

Bibliographie