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Partir-Venir

Le Brain Drain, un système organisé

Le 12 Janvier 2010, Haïti fut frappé par un tremblement de Terre, il a été ravageur. En effet ceci a engendré plusieurs conséquences désastreuses dont une majeure et évidente : la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. Une autre plus insidieuse et méconnue, survenue quelques semaines subséquemment : la fuite des cerveaux (aussi appelée Brain Drain). Le pays étant à présent sinistré, une partie de la population Haïtienne fait le choix de migrer, en particulier les personnes « hautement » qualifiée, à la recherche de conditions de vie plus attrayantes.

Cependant ce phénomène n’est pas seulement observable dans ce cas particulier, mais à travers le monde entier. Ce phénomène étant d’actualité, nous l’avons sélectionné pour traiter du thème qui nous a été imposé : Partir-Venir. Commençons donc par définir ce terme.  Le Brain Drain signifiant « Drainage des Cerveaux » correspond à l’ensemble des flux migratoires d’individus qualifiés (scientifiques, docteurs, …) de leur pays natal vers des pays plus attirants  pour diverses raisons, telle que le salaire, les conditions de vie, …

Nous nous sommes demandé, ainsi, si la fuite des cerveaux était un système organisé. Pour y répondre nous fragmenterons une réponse en trois parties, tout d’abord une présentation générale du Brain Drain, le système organisé. Nous poursuivrons par les différents avantages et inconvénients concernant la fuite des cerveaux. Enfin nous terminerons par les enjeux de l’exode des cerveaux.

Nous nous sommes appuyés pour fonder cette étude sur plusieurs auteurs tels que : P. Papin qui a écrit : « Fuite des cerveaux, « Brain Drain » et  « Brain Gain » » ainsi que S. Paivandi qui a réalisé « Fuite des cerveaux : la France est-elle en train de perdre ces talents ? » ou bien encore S. Huet et P. Smith.

Les facteurs & organisations du brain drain 

Pour débuter, d’un point de vue géographique, le brain drain touche la grande majorité du monde. L’Afrique est le continent le plus marqué par le brain drain. Ceci et d’autant plus gênant car ce continent étant en grande partie en voie de développement, il a besoin des hauts cadres pour relever les défis du développement. En 1980, les flux migratoires étaient axés des pays du Sud (continent Africain) vers les pays du Nord (Union Européenne et USA). Cependant aujourd’hui, on aperçoit une modification majeure de ces flux. En effet, ce phénomène est plus complexe et multilatéral. L’Union Européenne (ensemble de quinze pays) forme 600 000 diplômés scientifiques par an, tandis que les USA en forment 370 000 par an et le Japon 230 000 par an. De plus, au niveau du doctorat en sciences, l’UE décerne 5,5 doctorats pour 10 000 habitants chaque année, les USA 4,1, le Japon 2,7 et la France 6,5. Alors qu’il y a 5,7 chercheurs pour 1 000 actifs dans l’UE (7 en France), 8 aux USA et 9,1 au Japon. Ainsi, le continent Africain n’est pas le seul touché par le brain drain.

Les principales raisons de ce déplacement des cerveaux sont :

  • d’un point de vue économique : les salaires sont souvent plus attrayants : un chercheur en France gagne en moyenne 30% de moins qu’un chercheur en Amérique. Par exemple, Stéphanie, titulaire d’une thèse en biochimie, lors de sa recherche d’emploi, a obtenu des réponses rapides venant des Etats-Unis alors qu’en France les réponses étaient rares et indéterminées. De plus elle perçoit annuellement 31 000 dollars où elle travaille actuellement, à l’université du Massachusetts au lieu des 25 000 dollars qu’elle devrait toucher annuellement en France. Enfin l’inflation dans de nombreux pays incite certains étudiants à partir vers des horizons tels que des îlots où ce système n’est pas présent.
  • d’un point de vue social : les individus cherchent de meilleures conditions de vie et de sécurité loin des catastrophes naturelles, de la pauvreté, des famines. De plus le taux de chômage se voyant augmenter dans les pays en voie de développement entraine les élites nés dans ces pays à partir.
  • d’un point de vue politique : certains régimes dans des pays tels que les pays Africains, les dictatures sont mal vue aux yeux des étudiants Africains qui ont soif de liberté et d’indépendance. Ainsi, ils se retrouvent totalement dans les idéologies étasuniennes où le droit d’expression est présent.
  • d’un point de vue carrière : certains ingénieurs, chercheurs, cadres supérieurs ou bien même étudiants cherchent des perspectives de carrière meilleures que dans leur pays d’origine ; ainsi certains pays peuvent proposer des promissions « rapides » et très avantageuses.
  • d’un point de vue du travail : les émigrants du brain drain recherchent des conditions de travail plus avantageuses. En effet, certains scientifiques ne pouvant poursuivre leurs recherches, sont obligés de quitter leur pays natal. Cette incapacité de poursuivre des recherches provient communément d’un défaut financier du pays source.

De plus certains pays instaurent des politiques qui auront pour but d’intégrer au sein même de leur pays certains « types » de populations bien spécifiques, en particulier des personnes qualifiées. En effet, prenons le cas de la France qui a mise en place la carte « compétences et talents » et l’immigration choisie en 2007. Puis certain gouvernements tels qu’en Angleterre établissent des quotas d’immigrés non ressortissant de l’Union Européenne tout en soulignant bien « qu’ils sélectionnent les meilleurs » dans ces quotas. Aussi, la France, cherchant à freiner cette « fuite des cerveaux » met en place plusieurs directives visant à aider de jeunes chercheurs en manque d’argent pour poursuivre leur thèse soutenu moins de cinq ans auparavant. Par exemple le programme « retour postdoc », apparu en 2009, doté de 11.5 millions d’euros avait pour but de répartir en aides financière cet argent pour les thésards élus par un jury. Ces aides financières n’étaient pas moindre puisqu’elles pouvaient atteindre jusqu’à 700 000 euros sur 3 ans de recherche.

Enfin, une des facettes les plus marquantes du brain drain est qu’il touche des zones géographiques bien spécifiques telles que Haïti qui est le pays le plus atteint par la fuite des cerveaux en terme de pourcentage. Ou bien même le Ghana qui, d’après une étude émise par la Banque Mondiale, est le deuxième pays le plus concerné par l’exode des cerveaux à cause de ces 47%  de diplômés d’université qui partent chaque année hors de leur pays natal. Cependant, seule ne sont pas les zones géographiques les plus touchées par le brain drain mais aussi les différents secteurs d’activités. En effet toutes zones confondues, certaines ressortent plus que d’autres au niveau des pertes des élites dans le pays natal telles que la Santé, l’Éducation et les technologies de pointe. Les pays riches, eux, arrivent à compenser cette perte bien spécifiques de certains secteurs, mais les pays en voie de développement, en revanche, ne peuvent compenser ces pertes, car contrairement, aux pays riches, les pays en voie de développement n’instaurent pas de politiques qui visent à emmagasiner des élites immigrantes grâce à par exemple le concept d’immigration choisi (cité quelques ligne auparavant).

Avantages et inconvénients du brain drain

Le brain drain va influer sur deux parties : le pays d’accueil et le pays natal.

Tout d’abord, au niveau du pays d’accueil, différents avantages sont observables :

Le pays d’accueil des cerveaux, va en conséquence, optimiser son progrès technique grâce à l’apport d’individus « hautement » qualifiés. En effet la concentration de ces cerveaux va permettre l’élaboration de nouvelles techniques et d’inventions technologiques. Ainsi la Sillicon Valley est le parfait exemple de cette concentration avec l’arrivée d’ingénieurs asiatiques et européens chaque année, ce qui a permis le développement rapide d’entreprises.

Puis une diversité culturelle due aux cerveaux venant de multiple pays est un avantage pour le pays d’accueil. Certaines techniques sont totalement différentes en fonction des pays d’où provient le cerveau en question. Le Canada est un des cas observable car 1,8 millions d’individus vivant dans ce pays en 2003 étaient des immigrants arrivés au cours des 10 années précédentes. Plus de la moitié étaient des personnes nées en Asie (58%) et 20% originaires d’Europe.

Enfin ces cerveaux n’étant pas nés dans le pays d’accueil, auront plus tendance à prendre des initiatives que des individus nés sur le territoire même. Ceci est dû à l’investissement financier et temporel qui a coûté à ces cerveaux pour s’installer dans le pays d’accueil. Ils auront un esprit novateur par rapport aux travailleurs « locaux », ce qui va permettre l’élaboration d’innovations qui n’étaient pas prévue à la base pour remplir les demandes des individus du pays d’accueil. Puis cet esprit d’initiative et d’activité constitue des qualités requises pour être un « bon » entrepreneur. En effet en prenant l’exemple de grandes firmes telles qu’Intel qui a été fondée par un Hongrois ou bien même Google, créée par Sergueï Brin qui est originaire de Russie.

 Enfin, du côté du pays natal, quelques inconvénients sont à noter :

D’abord au niveau économique, beaucoup d’investissements sont mis en place dans le domaine de l’éducation pour former ces cerveaux. En partant, ils créent une perte d’investissement car ce dernier n’a pas fourni de bénéfice au pays natal. En effet, ce savoir investi sous forme d’argent va être réutilisé mais non dans le pays natal car le cerveau a émigré. Ce phénomène est d’autant plus marquant en Afrique car ces pays qui sont souvent en voie de développement investissent beaucoup d’argent dans l’éducation par rapport au pays développés. Par exemple l’enseignement supérieur public dans les pays africains coûte ainsi en moyenne 4 à 5 fois plus cher que dans les pays non africains. L’Etat Indien dépense près de 2 milliards de dollars par an pour former des Indiens qui vont à terme partir de leur pays natal suite à leurs études.

Un autre inconvénient est le suivant : à la suite de leur départ, ils vont poursuivre leurs recherches dans le pays d’accueil, et peut être faire de nouvelles découvertes. Ainsi ils mettront en place un brevet pour la protéger. Donc ces brevets ne seront pas acquis par le pays natal alors que c’est celui-ci qui a donné l’enseignement pour arriver à cette découverte. Par exemple Luc Montagnier, biologiste de profession, d’origine française, a écrit plusieurs brevets mais étant à ce moment aux Etats-Unis, ces brevets ont été acquis par des firmes américaines et non françaises.

Les enjeux du brain drain

Un des enjeux majeurs de la fuite des cerveaux correspond à la stratégie de développement de certains pays. En effet, certaines stratégies sont mises en place dans des gouvernements pour que leur pays obtienne un développement rapide. Par exemple, la Chine et l’Inde, ont utilisés la stratégie suivante ces dernières années pour se développer : ces deux pays ont expatriés beaucoup de futurs cerveaux à l’étranger, pour effectuer leurs études, puis ceux-ci sont revenus à leur pays natal pour utiliser leur savoir au bénéfice du développement chinois.

Ensuite, certains pays n’auraient pu dominer dans une grande diversité de domaine sans la concentration intensive de cerveaux. En effet, dans la Sillicon Valley, l’apport important d’ingénieurs a permis aux États-Unis de garder sa place de leader mondial pendant ces vingt dernières années. Les États-Unis ne sont pas les seuls à utiliser ce stratagème, le Canada n’est pas à plaindre dans ce domaine tout comme l’Allemagne et la France qui se répartissent des domaines bien particuliers, respectivement, Europe de l’Est et Afrique.

Silicon Valley

De plus un enjeu marquant serait au niveau géopolitique, ainsi la détention de cerveaux entraine la possession de technologie de pointe et par conséquent l’obtention d’une puissance militaire sans précédent. Par exemple, lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne aurait perdu la guerre en partie à cause de la fuite de ces cerveaux entre 1930 et 1940. Et au contraire ces cerveaux se réfugiant aux États-Unis, ces derniers ont pu élaborer la bombe atomique à l’aide d’Enrico Fermi qui fut le déclencheur des études sur l’énergie nucléaire.

Cependant, certains événements comme par exemple la chute des tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre 2001 ont rendus certains pays plus méfiants par rapport aux années précédentes au sujet des immigrations d’individus. Par conséquent le brain drain a été touché légèrement, ces événements ont augmenté la vigilance, particulièrement au niveau des cerveaux, qui grâce à leurs compétences pourraient être un danger potentiel pour le pays.

Ainsi, les enjeux du brain drain sont de plus en plus importants car plus le temps s’écoule et plus les technologies se développent et deviennent performantes, celles-ci ne peuvent évoluer sans les cerveaux qui proviennent en partie des flux migratoires du brain drain.

Pour conclure, au cours de cette étude, nous avons pu observer différents points qui décortiquent une grande partie du système organisé : le brain drain. D’abord plusieurs raisons motivent les cerveaux à partir de leur pays natal : sociales, économiques, politiques mais surtout les conditions de vie sont le facteur principal qui justifie le départ des cerveaux. Puis deux pays sont touchés à chaque exode d’un cerveau, le pays d’accueil va pouvoir obtenir des évolutions de technologies et des apports en brevets alors que le pays d’origine lui va perdre un investissement et des développements hypothétiques qui auraient pu par la suite exister dans le pays natal. Enfin, ajoutons à ceci des enjeux principaux comme les stratégies de développement utilisé majoritairement par la Chine ou encore tels que la concentration des industries de pointe dans la Sillicon Valley. Par conséquent de par ces différents facteurs cités précédemment la fuite des cerveaux constitue un système organisé.

  Matthieu VINOT & Sylvain GALMICHE

Bibliographie :

-Papin, Pierre. Fuite des cerveaux, « Brain Drain » et « Brain Gain ». Fondation Res Publica, 21 septembre 2004. Disponible sur : http://www.fondation-res-publica.org/Fuite-des-cerveaux-Brain-Drain-et-Brain-Gain_a30.html

-Huet, Sylvestre. Des emplois au compte-gouttes. Libération, 7 avril 1998. Disponible sur : http://www.liberation.fr/economie/0101244272-des-emplois-au-compte-gouttes-le-nombre-de-thesards-a-presque-double-en-dix-ans

-Paivandi, Saeed. Fuite des cerveaux : La France est-elle en train de perdre tous ces talents ?. Atlantico, 7 novembre 2012. Disponible sur : http://www.atlantico.fr/decryptage/fuite-cerveaux-france-est-elle-en-train-faire-perdre-talents-saeed-paivandi-534157.html?page=0,0

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-Meyer, Jean- Baptiste. Les Diasporas du savoir. Annuaire suisse de politique de développement, 2008. Disponible sur : http://aspd.revues.org/167

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