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Consommer autrement

Consommation cinématographique : évolution, impacts économiques et écologiques.

Par Louis DENICOURT et Alain BOLORONUS (BTS Gemeau)

Dans quelle mesure l’industrie cinématographique est-elle une industrie de surconsommation qui a une influence économique et écologique dans le monde ?


Depuis les premières expériences artisanales des Frères Lumières en 1895 jusqu’aux superproductions contemporaines, le cinéma s’est transformé au point qu’il a changé non seulement d’aspect mais aussi de nature : de simple moyen d’expression artistique, il est devenu un objet de consommation de masse. Nous pouvons donc nous demander dans quelles mesures l’industrie cinématographique est-elle une industrie de surconsommation qui a une influence économique et écologique dans le monde.

Nous allons donc tout d’abord étudier l’évolution de la consommation cinématographique liée aux dernières innovations technologiques, puis nous nous intéresserons aux conséquences économiques de la consommation cinématographique et pour finir à ses impacts écologiques.

Évolution de la consommation cinématographique

Le DVD, apparu en France à partir de 1998, est un mode de consommation cinématographique qui a provoqué un recul de la fréquentation des salles de cinéma. Mais le confort et l’immersion spécifiques des salles de cinéma sont encore recherchés et le tarif des places de cinéma par rapport au prix d’un DVD reste avantageux pour une personne.

Le home-cinéma qui s’est développé quelques années plus tard tend à rapprocher les spectateurs des conditions d’une salle de cinéma.

Un autre phénomène a révolutionné la consommation cinématographique : le streaming. Il permet la consommation cinématographique à domicile. Les périodes de confinement liées à la crise sanitaire ont accéléré ce mode de consommation (périodes de fermetures des salles).

Ce nouveau média fait l’objet de nombreuses critiques. En effet, son utilisation s’accompagne d’algorithmes dont le but est d’inciter le spectateur à consommer davantage et d’orienter ses choix par des recommandations de films en fonction de ses habitudes. Le réalisateur Martin Scorsese a dit à ce propos que ces algorithmes “traitent le spectateur comme un consommateur et rien d’autre”. Il compare les films de super-héros MARVEL aux manèges des parcs d’attractions. Le spectateur est un consommateur qui recherche des sensations fortes.

M. Scorsese n’est pas le seul à critiquer le contrôle par les algorithmes. La domination du monde par les ordinateurs est critiquée par d’autres réalisateurs à travers leurs films comme Terminator (réalisé par James Cameron) et The Matrix (réalisé par Lana Wachowski).

Le même procédé s’applique d’ailleurs à tous les domaines de consommation. La conséquence est une réduction de l’intérêt à un seul genre et un seul sujet. Mais peut-être que les algorithmes de streaming ne sont pas vraiment à blâmer : après tout, ils sont simplement faits pour aller dans le sens des choix du consommateur.

On rentre dans un cercle vicieux, l’un entraîne l’autre : la préférence du public provoque une restriction des choix qui a pour conséquence une restriction des préférences du public.

Deux faits significatifs dans le domaine cinématographique ont marqué l’année 2021.

D’une part, une montée en puissance des plateformes de diffusion en ligne a été constatée avec une inégalité croissante entre celles basées aux USA (Netflix, Amazon Prime et Disney +) et celles basées dans les autres pays. Ces plateformes de streaming saturent le marché, en particulier chez les jeunes.

D’autre part, l’écart entre la durée totale de visionnage des films à fort potentiel commercial et celles des autres films a augmenté car internet favorise les plus puissants et marginalise les autres. La complaisance des grands médias en faveur de Netflix a contribué à l’aggravation de ces déséquilibres et les pouvoirs publics en charge de la culture refusent de s’attaquer à ce problème.

Par conséquent, l’ensemble du cinéma (grand public et d’art et essai) traverse une période difficile qui nécessite une adaptation.

Malgré tout cela, en 2017, les ventes mondiales de places de cinéma ont explosé : les recettes se sont élevées à 40,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2016. Le streaming, en hausse de 33 %, ne concurrence donc pas autant qu’on pourrait l’imaginer le cinéma en salle. La salle de cinéma reste un lieu apprécié par les spectateurs pour vivre une expérience collective.

Impacts économiques

L’industrie du cinéma est dominée par les majors : notamment Paramount et 20th Century Fox qui depuis l’origine du cinéma, ont toujours privilégié l’aspect économique à l’aspect artistique. Ces puissants groupes au capital gigantesque sont en concurrence entre eux avec un objectif de domination. Ils intègrent à la production de films l’ensemble des éléments de la chaîne de fabrication (ex : terrains immobiliers, studios, réseaux de salles) mais aussi les découvertes techniques en mesure d’aider à la promotion des films fabriqués.

D’autre part, la Chine devient une puissance de production de cinéma de plus en plus importante. Elle est devenue le premier marché du monde avec 7,6 milliards de dollars de recettes et quatre films chinois sont en tête du box-office.

Le cinéma occupe une place importante de Soft Power dans l’empire chinois.

La carte suivante montre que les pays où les places de cinéma sont les plus vendues sont principalement les pays d’Europe et les pays d’Asie de l’Est. La Chine est le pays où le marché des places de cinéma est le plus grand. Elle a gagné 7,9 milliards de dollars en 2017 grâce à la vente de places de cinéma.

De manière plus générale, l’Asie est le plus gros producteur de films mondial mais ils ne sont que très peu exportés, au contraire des grandes compagnies hollywoodiennes qui exportent dans le monde entier et qui concurrencent et déstabilisent les productions locales surtout en Europe.

Cependant, l’industrie du cinéma est une industrie mineure comparée aux autres industries. Elle occupe surtout une place importante dans le secteur médiatique car la production d’un film nécessite un budget important (en moyenne 31,3 millions de francs en France en 1997).

Avec le développement rapide des autres médias qui touchent un nombre de spectateurs toujours plus important et qui offrent des programmes plus vastes, les salles de cinéma ont perdu le monopole de la transmission d’images sonores et animées. La télévision est ainsi devenue une composante importante du financement des films et un support privilégié de leur diffusion.

En outre, les films produits par l’industrie du cinéma sont accompagnés de produits dérivés qui constituent une part importante de l’économie cinématographique. Par exemple, l’entreprise française Abysse Corp a obtenu des licences qui lui permettent de vendre des produits dérivés dans toute l’Europe bien que ces produits soient fabriqués à 75% en Chine. L’activité de cette entreprise est en forte augmentation (+34% en 2019 par rapport à l’année précédente).

Impacts écologiques

Les investissements et les enjeux financiers considérables auxquels le cinéma doit désormais répondre ont poussé celui-ci dans la démesure : les sommes investies sont très importantes et tous les moyens sont mis en œuvre pour couvrir les investissements et faire des bénéfices. Le cinéma est ainsi devenu un objet de consommation de masse. Cela n’est pas sans poser des problèmes d’écologie. Ainsi, plusieurs déplacements en avion d’une équipe complète sont parfois effectués pour réaliser un film afin d’avoir de nombreux décors différents. La construction de décors gigantesques pour une utilisation éphémère fabriqués dans des matériaux non recyclables et la destruction de plusieurs voitures au cours d’un tournage ne sont pas exceptionnels. Certains films polluent énormément lors de leur réalisation alors même qu’ils dénoncent les conséquences du changement climatique.

C’est la cas du film Waterworld (de Kévin Reynolds) qui montre les conséquences désastreuses possibles du réchauffement climatique et qui pourtant a nécessité la construction d’une île artificielle de 250 m de diamètre qui était remorquée chaque jour au large au milieu de l’océan par un remorqueur de 50 m de long !

On peut aussi citer le film Titanic (de Spielberg) qui a nécessité la construction d’un paquebot de plus de 230 mètres de long au Mexique, dans un bassin de 65 millions de litres d’eau.

La construction d’un hôpital a coûté 250 millions de dollars pour le tournage du film The Dark Night Rises (de Christopher Nolan) et ceci juste pour tourner la scène où il explose.

On pourrait citer encore beaucoup d’autres exemples…

D’autre part, les publicités en nombre considérable ainsi que la fabrication de produits dérivés, essentiellement fabriqués en Chine pour être importés en Europe, de surcroît la plupart du temps en matière plastique, sont d’autres sources de pollution.

Toutefois, certains organismes, sensibles à ces problèmes, financent des films dont l’empreinte carbone est réduite.

En 2004, Roland Emmerich, le réalisateur du Jour d’Après avait lui-même payé une organisation, Future of Forest, pour réussir à faire le premier film revendiqué “carbon neutral” : 200 000 dollars pour planter des arbres et compenser les 10 000 tonnes d’émissions de CO2.

Plus fort encore, Matrix Reloaded (de Lana Wachowski) a recyclé 97,5% de ses décors (11 000 tonnes), dont les deux tronçons d’autoroute construits spécialement pour le film ; Jurassic World (de Colin Trevorrow) a offert les centaines de plantes et d’arbres utilisés sur le tournage à un institut de La Nouvelle-Orléans.

De nos jours, dans les écoles de cinéma, les élèves sont de plus en plus sensibilisés à l’impact écologique des films.

Les nouvelles technologies (DVD et streaming) ont effectivement révolutionné la consommation de films, l’offre cinématographique disponible est ainsi devenue très vaste mais les techniques mises en place pour contrôler les consommateurs limitent la richesse et la diversité auxquelles nous pourrions accéder. La raison en est que le cinéma est désormais produit par des entreprises dont le but est d’accroître leur capital. La production des films tombe ainsi dans une démesure qui a des répercussions écologiques.

Les producteurs de films sauront-ils un jour concilier technologie, économie et écologie ? Cela est-il seulement possible ?


Sources :

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Disponible sur : Le streaming transforme-t-il l’art du cinéma en simple consommation ? – BBC News Afrique


Commentaires :

  • C’est un article intéressant qui nous explique l’histoire du cinéma et son évolution.Les conséquence et l’algorithme sont très bien expliqué .

Romain Fortes

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