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La robotisation : une menace mais aussi une opportunité pour l’emploi 

La robotisation, en pleine expansion, bouleverse les secteurs économiques et transforme radicalement le monde du travail. Si elle promet des gains de productivité et une réduction des coûts pour les entreprises, elle suscite aussi de vives inquiétudes concernant l’avenir de l’emploi. Entre suppression de postes et mutations des métiers, cette évolution technologique soulève la question de son impact réel sur l’emploi et sur les travailleurs. Un exemple concret l’illustre, d’après un document publié par Amazone, rien que sur la période 2015-2017, l’entreprise a gonflé son parc de robot passant de 30 000 à 120 000.

D’après le dictionnaire Larousse, la robotisation a pour définition : Substitution de robots à des opérateurs humains pour l’accomplissement de tâches industrielles. La robotisation témoigne donc d’une monté croissante des machines et de l’intelligence artificielle dans les processus de production et de service. Des usines automobiles aux caisses automatiques des supermarchés, elle touche de nombreux secteurs et modifie en profondeur le marché du travail. Les entreprises adoptent ces technologies pour gagner en efficacité et réduire leurs coûts, mais cette transformation inquiète : quels emplois sont menacés ? Qui sera le plus affecté ? Et comment s’adapter à cette nouvelle ère où les machines remplacent de plus en plus l’humain ? Derrière ces questions se cache un enjeu majeur : l’avenir du travail et la place de l’homme face aux avancées technologiques.

La menace de l’emploi 

Comme on peut le constater depuis quelques dizaines d’années, le travail a été bousculé par l’arrivée de la robotisation, de l’automatisation, mais aussi plus récemment, de l’Intelligence artificielle. Et comme à chaque fois que l’être humain crée quelque chose de nouveau, les critiques ne se sont pas fait attendre, et pour la grande majorité elles étaient négatives.

En effet, de nos jours, une nouvelle vague d’inquiétudes s’exprime avec l’intégration croissante de robots au sein des entreprises avec l’emploi industriel qui décline à mesure que les robots investissent les usines, les entrepôts, et les transports. On constate donc, à bien des égards, que la robotisation a un impact sur la composition de l’emploi d’un pays. Cette idée selon laquelle la technologie détruirait plus d’emplois qu’elle n’en produit était déjà au fondement du discours porté au début du XIXe siècle par Ned Ludd (Un ouvrier militant anglais légendaire de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe). Les ouvriers anglais de l’industrie textile s’inquiétaient de l’apparition de machines à tisser accusées de remplacer le travail humain. Les tâches répétitives sont actuellement de plus en plus automatisées totalement ou partiellement par des machines et la numérisation du milieu du travail génère des emplois qualifiés aux dépens du personnel non qualifié. Avec, en 2022, environ 18.9 % des ouvriers français non qualifiés, contre 29.9 % en 1982, on constate qu’avec l’arrivée des nouvelles technologies et plus particulièrement avec l’arrivée de la robotisation, les emplois comme les opérateurs de caisses, les manutentionnaires et ouvriers d’entrepôts, les travailleurs de la restauration rapide ou encore les travailleurs de production dans les usines qui sont non qualifiés disparaissent au fil que l’innovation technologique augmente.

Avec l’augmentation des capacités de calculs des ordinateurs, le traitement des données de masse (big data), le perfectionnement des logiciels de machine learning, etc., la part des emplois menacés par l’automatisation est ainsi de plus en plus importante. Surtout, elle ne se limite plus aux travaux manuels mais s’étend maintenant à des tâches plus intellectuelles. Une étude de PwC sur l’impact de l’automatisation parue en 2018 alerte des conséquences. Selon le rapport qui reste toujours d’actualité aujourd’hui, ce processus d’automatisation serait divisé en trois « vagues » ayant un impact grandissant sur le marché du travail au cours des prochaines décennies.

1-Vague des algorithmes (Jusqu’au début des années 2020)Automatisation des processus simples, tels que les calculs et l’analyse de donnéesEmplois dans le secteur financier, des assurances et de la communication (5 % des emplois concernés)
2-Vague de l’accélération (Jusqu’à la fin des années 2020)Interaction dynamique avec les nouvelles technologies menant à l’automatisation dans le domaine de l’administratif et dans les prises de décisionTouchera les emplois de la première vague plus les emplois dans les secteurs administratif et manufacturier (15 % des emplois concernés)  
3-Vague de l’autonomie (Années 2030)Automatisation du travail manuel et application dans la résolution de problèmes dans des situations dynamiquesEn plus des emplois des deux premières vagues, les secteurs de la construction, du transport et de la logistique seront également concernés (30 % des emplois concernés)

Source : Impact of automation on jobs, PwC 2018

Ce serait donc à partir de la fin de cette décennie que l’on pourra constater une perte nette d’emplois dans ces secteurs. L’étude confirme aussi que ce sont bien ceux qui ont fait le moins d’études qui seront le plus touchés. Sans oublier maintenant qu’à ce débat se rajoute aussi l’implémentation généralisée de l’intelligence artificielle (IA) qui vient menacer en partie des emplois plus qualifiés comme ceux des managers.

Le salut des travailleurs

Même s’il y a toujours eu des sceptiques vis-à-vis de la robotisation, en très grand nombre, on remarque peu à peu que les avis changent pour finalement avoir de nos jours un grand nombre de partisans du développement de la robotisation. Depuis quelques années, on constate que si les nouvelles technologies détruisent des emplois, elles en créent aussi dans la conception, le déploiement et la nécessité de répondre à de nouveaux besoins. En effet, dans une étude conduite par Metra Martech, l’International Federation of Robotics (IFR) défend l’idée qu’entre 2017 et 2020, 450 000 à 800 000 nouveaux emplois devraient directement être créés au niveau mondial grâce à la robotique. De plus, pour répondre aux détracteurs de la robotisation, France Stratégie, a estimé que seulement 15 % des emplois seraient menacés par l’automatisation. En zoomant sur des secteurs comme l’automobile et l’électronique, où sont concentrés plus de 60% des robots industriels, on n’observe pas de destructions d’emploi massives, mais un passage progressif à des postes plus qualifiés du fait de l’automatisation de certaines tâches (soudure, levage, peinture, manutention).

Maintenant quand on pense robotisation, il faut penser « robot collaboratif ». Le « robot collaboratif » ne vise pas à remplacer l’homme mais à l’assister dans des tâches pénibles ou répétitives, en démultipliant par exemple ses capacités physiques ou en améliorant la précision de ses gestes, la synergie entre l’intelligence humaine et la robotisation propulsera les opérations de la chaîne d’approvisionnement vers des sommets sans précédent. La transformation de tâches dans des secteurs, tels que le textile et la fabrication, où des fonctions répétitives et de faible valeur ajoutée ont été automatisées, a servi d’exemple tangible de l’impact de la robotique collaborative. Dans ce même cadre, le professeur Sahbani (Professeur à l’Université Sorbonne) a souligné que cette collaboration homme-machine n’était pas une menace pour les emplois, mais plutôt une transformation des tâches, où les travailleurs peuvent évoluer vers des fonctions à plus forte valeur ajoutée. On peut même prendre l’exemple de Amazone qui a déployé 750 000 robots dans l’ensemble du réseau pour la prise en charge des tâches lourdes et répétitives, permettant au travailleur d’éviter tout souci.

Il faut aussi se dire que la robotisation a des avantages pour les entreprises. La robotisation permet évidemment l’amélioration des performances, mais réduit la pénibilité de certaines tâches. Aussi, cette course à la technologie est devenue indispensable au vu de la pénurie de main-d’œuvre et des défis environnementaux actuels. En investissant dans l’automatisation de son outil de production, une entreprise augmente son intensité capitalistique et réduit en conséquence le poids des coûts salariaux dans ses coûts de production. L’automatisation génère des gains de productivité qui peuvent se traduire par des baisses de prix sur les produits, des hausses de profits ou parfois de salaires.

Enfin il faut rappeler une chose importante, l’Homme ne sera jamais remplaçable. Selon M. Marc ALOCHET, expert leader en assemblage final chez Renault, « même s’il existe une très forte tendance à l’automatisation et à la robotisation sur beaucoup d’opérations de fabrication, il n’empêche que l’homme restera au centre de l’usine du futur pour au moins deux grandes raisons. La première est que, dans un système complexe, la capacité d’adaptation face aux incidents générés par cette complexité même, la prise en compte raisonnée de l’événement et de son impact ainsi que la capacité à y répondre de la façon la plus appropriée resteront, longtemps encore, l’apanage de l’homme. La seconde raison est liée à la compréhension fine du produit lui-même : sur toutes les problématiques d’amélioration de la qualité et d’interaction des systèmes connectés, l’homme reste très largement supérieur à tous les systèmes automatisés que l’on peut, aujourd’hui, imaginer »

La robotisation transforme l’emploi plutôt qu’elle ne le détruit entièrement, ouvrant la voie à de nouvelles compétences et opportunités. Mais si les travailleurs doivent s’adapter à ces changements, la question reste ouverte : notre système éducatif et de formation est-il prêt à relever ce défi ?

IOTTI Baptiste, GONFROY Ethan

Liste bibliographique :

  • Meriem Khdimallah, Data et Robots – Les fondations de l’industrie du futur, Presse de Tunisie, date de publication : Mardi 28 Novembre 2023, date de consultation : Mardi 15 octobre 2024, Europresse.
  • Julien Bialas, La course à l’innovation pour livrer au plus vite les colis, Le Soir, date de publication : Vendredi 24 novembre 2023, date de consultation : Mardi 15 octobre 2024, Europresse, https://nouveau.europresse.com/PdfLink/amTMvqMlntAJH1VCldIAlD6orJ0NjrXthEvxGF5TYNetf_CZgCSKkCudeL2lxRrRqd5JVGOlqO-tiYI17BzAlCJu0ktJmC0zM_qDT5xzfI1.
  • « Le robot tue-t-il l’emploi ? » : l’analyse de La Fabrique de l’industrie, La Correspondance Économique, date de publication : Lundi 11 janvier 2016, date de consultation : Mardi 15 octobre 2024, Europresse.
  • Les robots vont-ils nous prendre nos emplois ? lafinancepourtous, date de publication : 11 décembre 2024, date de consultation : le 9 Janvier 2025, E-sidoc, https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/les-robots-vont-ils-nous-prendre-nos-emplois/.
  • Vincent Champain, Guendalina Anzolin, Richard Robert, Comment ressusciter la productivité, n°059, p24-25, date de publication : 03/2024 Périodique.
  • Anne Chemin, Vers la fin du travail ? Le Monde, date de publication : Samedi 28 janvier 2017, date de consultation : Mardi 15 octobre 2024, Europresse.